STENDHAL - " Le Rouge et le Noir " : Chronique du XIXe siècle - 47 - Livre second - Chapitre 16
"Une heure du matin!"
"Ce jardin était fort grand,
dessiné depuis peu d’années
avec un goût parfait.
Mais les arbres avaient plus d’un siècle.
On y trouvait quelque chose de champêtre.
MASSINGER."
Il allait écrire un contre-ordre à Fouqué lorsque onze heures sonnèrent. Il fit jouer avec bruit la serrure de la porte de sa chambre, comme s’il se fût enfermé chez lui. Il alla observer à pas de loup ce qui se passait dans toute la maison, surtout au quatrième étage habité par les domestiques. Il n’y avait rien d’extraordinaire. Une des femmes de chambre de madame de La Mole donnait soirée, les domestiques prenaient du punch fort gaiement. Ceux qui rient ainsi, pensa Julien, ne doivent pas faire partie de l’expédition nocturne, ils seraient plus sérieux.
Enfin il alla se placer dans un coin obscur du jardin. Si leur plan est de se cacher des domestiques de la maison, ils feront arriver pardessus les murs du jardin les gens chargés de me surprendre.
Si M. de Croisenois porte quelque sang-froid dans tout ceci, il doit trouver moins compromettant pour la jeune personne qu’il veut épouser de me faire surprendre avant le moment où je serai entré dans sa chambre.
Il fit une reconnaissance militaire et fort exacte. Il s’agit de mon honneur, pensa-t-il ; si je tombe dans quelque bévue, ce ne sera pas une excuse à mes propres yeux de me dire : Je n’y avais pas songé....
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