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David Lynch a étonné un intervieweur sceptique en avouant qu'il croyait aux anges. Pour cet intervieweur, les artistes intelligents et connus n'y croyaient pas, il pensait que le scepticisme était spécialement intelligent. Mais en fait, non, c'est juste une mode.
Twin Peaks: Fire Walk With Me est un film de David Lynch sorti en 1992 et qui prolongeait la série du même nom. Ou plutôt il revenait en arrière, montrant la dernière semaine terrestre de Laura Palmer. Un film grandiose, effrayant, cosmique. À la fin, Laura Palmer morte se retrouve dans l'antichambre du monde spirituel appelée Red Room. Elle est aux côtés de Dale Cooper. Il met sa main sur son épaule. Elle le regarde, puis distingue, dans les hauteurs, l'ange gardien qui avait disparu de sa existence terrestre : la souffrance subie, son martyre, a permis à cet ange de reparaître. Puis elle est inondée de lumière, sauvée, heureuse.
Mais Lynch ne limite pas les anges au monde des morts. Dans l'espace physique, un ange était intervenu pour libérer Ronnette Pulaski de ses liens, alors que, menacée de mort, elle protestait qu'elle était trop remplie de péchés pour passer de vie à trépas.
Dans Twin Peaks: The Return, la troisième saison de la série, ces anges, au propre, ont disparu. Mais ils sont remplacés par des figures plus originales, propres à Lynch, et qui tiennent la même fonction.
La lumière qui surgit quand Laura Palmer elle-même, dans le monde spirituel, détache son visage est le reflet du monde divin. Le flux doré sortant de la bouche du géant Fireman, et créant un globe contenant l'image de la même Laura Palmer, est un courant divin aussi.
Au sens propre, les messagers du monde divin sont justement ce Fireman (géant chauve), ainsi que le barbu manchot de la Red Room. L'Évolution du Bras, qui était le nain des précédentes saisons, est maintenant une sorte d'arbuste mort surmonté d'une tête laide et sans yeux, dans le genre des sculptures de Lynch.
Aucun n'a l'allure d'un ange au sens chrétien, aucun ne rayonne de beauté et de jeunesse, aucun n'a d'ailes blanches comme la colombe.
Peut-être que David Lynch n'a plus l'attrait qu'il avait, plus jeune, pour les images symboliques tirées de traditions antérieures. Kitsch à souhait, elles n'en étaient pas moins placées à des pivots du récit, et prenaient à cause de cela une force immense. Donnons l'exemple de la Good Witch du Magicien d'Oz, dans « Wild at Heart » (« Sailor et Lula »), qui vient sauver Sailor et le remettre sur le bon chemin. Dans sa sphère violette, elle est sublime. Et jouée par la même actrice qui joue Laura Palmer... C'est Laura Palmer elle-même…
Les nouvelles figures, plus inquiétantes, créent plus d'ambiguïté sur le caractère bon ou mauvais. C'est impressionnant, et déroutant. Cette troisième saison a une atmosphère funèbre surprenante, et quand, à la fin, Dale Cooper remonte le temps pour sauver Laura Palmer, il aurait pu être un ange ayant pris une forme humaine. Mais il ne parvient absolument pas à refaire l'Histoire, comme si remonter le temps ne servait à rien – comme si on n'avait pas pu, alors qu'il était déjà mort, aller chercher Lazare avant qu'il ne meure!
On comprend le Surréalisme quand il rejette les images religieuses éculées, tels les anges avec une robe et des ailes. Leur force a en grande partie disparu. David Lynch éprouve désormais un besoin de liberté qui ne tolère plus les vieilles figures, même si celles-ci donnaient un cadre commode à la compréhension. Il s'agit de puiser les images au fond de soi, révélé par la méditation. Magnifique.
https://remimogenet.blog.tdg.ch/archive/2018/02/13/david-lynch-et-les-anges-289715.html
Texte de Rémi Mogenet, raconté par Sylvain Leser
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https://www.youtube.com/watch?v=HEchsXrNO3g
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