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6 Jun 2021 18:09:07 UTC
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Le-Loup-et-le-Chien,-Jean-de-La-Fontaine-(Fable-Audio)
« la connexion étroite de la démocratie politique et de la démocratie sociale représenterait la forme achevée de la démocratie dans une société moderne1 ». Elle a été réalisée entre 1945 et 1975, mais est actuellement en voie de disparition par suite du « libre déploiement des marchés » qui facilite « l’installation d’un chômage de masse et le développement de la précarité ». Que faut-il penser de cette vision idyllique des trente glorieuses et très négative de l’avenir ?
L’INSTAURATION DE LA DÉMOCRATIE SOCIALE
La démocratie sociale est constituée des régimes publics et complémentaires obligatoires de la sécurité sociale (assurance-maladie, retraite, santé etc.). Son objectif est de libérer les individus des contraintes matérielles les empêchant de participer réellement à la vie sociale. Elle est revendiquée depuis la nuit des temps, et Platon en évoquait déjà les conséquences dans La République.
Cette revendication revient régulièrement : en 1793, 1848, 1871, 1936. Elle a été instaurée en 1945 par le Conseil National de la Résistance. La conception de la protection sociale actuelle est inspirée des travaux de Beveridge et fait appel aux principes d’assurance (la prime est proportionnelle au risque encouru) et de solidarité (les cotisations de chacun couvrent les dépenses de tous).
Dans la France d’après-guerre, sous la pression d’un parti communiste électoralement fort, le socialisme bénéficiait de l’image à l’époque très positive de l’URSS et exerçait une grande influence sur les ouvriers et de nombreux intellectuels. Les élus syndicaux étaient en même temps conscients de leur responsabilité dans la remise en route de l’industrie française. Le travail était une valeur morale partagée par l’ensemble des acteurs sociaux pour reconstruire le pays. C’était aussi une période de progrès scientifique : médecine, aviation, électronique, industrie nucléaire et spatiale… Les traités européens, dont le premier sur la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA) date de 1951 (six ans seulement après la fin de la guerre !), favorisaient la collaboration industrielle et le commerce entre les pays membres de la Communauté économique européenne, ancêtre de l’Union européenne. Les trente glorieuses, de 1945 à 1975, sont des années de forte croissance et de quasi plein emploi, et, selon Castel, ont associé la démocratie sociale à la démocratie politique, réalisant ainsi la forme achevée de la démocratie.
Cette vision des trente glorieuses est idyllique parce qu’incomplète. La vie, à cette époque, c’était aussi des conditions de travail pénibles, des conditions de vie difficiles, une société bourgeoise figée, des mœurs rigides, un manque de liberté, etc. Les jeunes de mai 1968 ne voyaient pas la société dans laquelle ils vivaient comme une démocratie idéale.
LE CHANGEMENT À PARTIR DES ANNÉES 1970
L’idéologie de gauche commence son déclin à partir des années 1970 : le parti communiste français est considérablement affaibli. Le parti socialiste est devenu social-démocrate en se convertissant à l’économie de marché. Cette évolution la conduira paradoxalement au pouvoir.
Les crises pétrolières de 1972 et 1979, le développement des nouvelles technologies, l’apparition de la Chine et d’autres pays émergents sur les marchés mondiaux… ont secoué les économies des vieilles démocraties et perturbé les rapports entre les nations du monde entier. Le transfert de l’activité industrielle française dans des pays à bas coût de main-d’œuvre a peu à peu réduit l’importance de l’industrie dans l’économie, au profit des services.
Au plan social, l’État s’est substitué aux syndicats dans la défense des salariés, en instaurant un droit du travail très protecteur et a élargi la protection sociale à l’ensemble de la population. Les corps intermédiaires ont par la suite perdu de leur importance. La proportion de syndiqués parmi les salariés a considérablement baissé. Dans le secteur privé, elle est maintenant de l’ordre de 7 %, et les élus syndicaux nationaux sont souvent des salariés de la fonction publique. La représentativité des syndicats est devenue contestable.
Castel explique « l’installation d’un chômage de masse et le développement de la précarité » par l’avènement d’un nouveau capitalisme qui s’exerce dans le cadre d’une économie mondialisée. Voyant le « libre déploiement des marchés » comme un obstacle aux « régulations construites autour du travail », il n’imagine pas que le chômage et la précarité puissent être les conséquences d’une protection sociale devenue paralysante dans un monde en pleine mutation.
Ajoutons que le tableau n’est pas aussi noir que le prétend Castel : la protection sociale reste élevée, et les salaires n’ont pas cessé d’augmenter depuis 1975 malgré les crises successives (environ de 25 % de 1975 à 2015 en euros constants). Pourquoi, à l’inverse d’autres pays européens, la France ne parvient-elle pas à s’adapter à ce nouvel environnement économique ?
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