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30 Aug 2022 08:26:47 UTC
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L'esclavage-au-Baoulé-précolonial
L'immolation rituelle (entre Baoulé) :
Sur la réalité de l'immolation d'esclaves, tant les sources coloniales
que les sources orales baoulé sont unanimes.
Et pourtant il est difficile d'en savoir davantage ; le sujet n'est pas tabou, mais les récits ne vont pas
au-delà d'une simple énonciation ; même les premiers coloniaux se sont
limités à prendre acte du phénomène, avec peu de descriptions et encore
moins de commentaires, d'autant plus qu'aucun d'entre eux n'y avait
vraiment assisté. Ainsi, les rares prises de position sur ce sujet étaient
inspirées par la prudence et le réalisme politique. Les immolations rituelles
étaient tout de même, au début de la colonisation, une pratique encore
courante que l'on ne pouvait pas occulter :
« Des esclaves, choisis parmi les vieux et les infirmes ou parmi ceux dont on a eu à se
plaindre, sont immolés pour aller dans l'autre vie continuer leurs services au défunt.
Leur sang arrose le tabouret sacré et les statuettes funéraires, leurs têtes sont coupées
et conservées pour caler le sarcophage dans le caveau, lors de l'ensevelissement».
Plusieurs esclaves pouvaient être ainsi tués à l'occasion des obsèques de
chefs influents. Leur nombre est très variable selon les sources : Lasnet fait
état d'un ou deux esclaves égorgés immédiatement après le décès, plus un
nombre indéterminé à l'enterrement :
« Aussitôt après la mort on égorge généralement un ou deux captifs et de leur tête
sanglante on arrose le corps [...]. [Le jours des funérailles] des captifs sont amenés sur le
bord de la fosse et égorgés de façon à ce que leur sang vienne arroser le cercueil, leurs
têtes sont jetées pour le caler, les corps ne sont pas enterrés» [Anci, 1 EE 28 (1),
Lasnet, Mission du Baoulé. Notes sur le Baoulé, St. Louis, 12.8.1896].
Selon Delafosse (1901 : 25), ils étaient aussi un ou deux dans les cas les plus
courants, mais leur nombre pouvait aller jusqu'à dix ; Nebout (1900 : 404)
parle de deux à douze esclaves immolés ; Guerry (1970 : 79) de quatre à
douze hommes décapités. Mes propres informateurs avancent un chiffre
allant de quatre à neuf esclaves tués pour accompagner le souverain
défunt107. Rien de comparable à ce qui se passait dans le Gyaman, avec une
moyenne de cent captifs immolés et une «vague d'exécutions
désordonnées » à la mort d'un roi (Terray 1975 : 408, 410) 108 ; sans parler de l'Asante,
où les victimes tombaient par centaines et où la pratique de l'immolation
allait bien au-delà des seules occasions funéraires 109.
Pour les Baoulé aussi, les funérailles n'étaient pas les seules circonstances où
l'on pouvait immoler des êtres humains. Il convient tout d'abord de rappeler
qu'étaient tués les prisonniers de guerre que l'on ne pouvait échanger ; leurs
restes devenaient d'ailleurs des trophées, parfois dépecés pour être distribués
parmi ceux qui avaient contribué à la victoire. Il y avait en outre les criminels
condamnés à mort, exécutés après le jugement ou bien sauvegardés pour les
funérailles des chefs importants. N'oublions pas non plus que le mythe de
fondation baoulé fait état du sacrifice par noyade d'un enfant 110 ; nombreux étaient
aussi les nouveau-nés supprimés à la naissance111. À bien y regarder toutefois,
ces formes de mise à mort ne concernent que rarement les esclaves, qui sont en
revanche fréquemment immolés dans les rites funéraires. Des exécutions
ponctuelles pouvaient avoir lieu à la demande des devins, mais c'était assurément à
la mort et à l'enterrement des chefs que les têtes des esclaves tombaient les plus
nombreuses ; au moment du décès tout esclave pouvait être appréhendé et
immolé, tandis que seulement certains d'entre eux - les plus proches du mort,
tels l'épouse-captive, le « double » ou les esclaves de confiance — avaient F«
honneur » d'être enterrés avec leur maître pour le servir dans l'au-delà.
En l'absence de témoignages directs, on connaît peu de choses sur les
modalités d'exécution des esclaves au Baoulé. Pierre Etienne parle d'une drogue euphorisante112 qui, mélangée à la nourriture des victimes choisies,
les poussait à réclamer d'elles-mêmes l'honneur d'être immolées (Etienne
s.d.a et s.d.b)113. En réalité, les mises à mort avaient des aspects bien plus
dramatiques : les esclaves, les yeux bandés, les mains ligotées et la bouche
bâillonnée, étaient exécutés - étranglés ou égorgés — et décapités par les
bourreaux de la cour (alufue), après qu'un jeune noble leur eut coupé
l'oreille gauche.
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