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Le « deep state » ou État profond est par nature insaisissable. Tantôt, cet État dans l’État est à la main de bureaucrates réduisant les politiques à faire de la figuration, tantôt c’est l’autre nom de l’inusable « établishment politico-mediatique » chère à Steve Bannon… et à Michel Onfray. Aux USA, la défiance envers le "deep state" pulse les théories complotistes les plus délirantes.
Quelle est l’expression partagée par Donald Trump, Emmanuel Macron, Recep Tayyip Erdogan et Michel Onfray ?
À la surprise générale, Emmanuel Macron a repris à son compte le terme d’« État profond » en s’adressant en 2019, aux fonctionnaires du Quai d’Orsay : « Comme diraient certains théoriciens étrangers, nous avons, nous aussi, un État profond… ». Le concept est sulfureux car il est manié à l’envi par les complotistes de tout poil.
Le président de la République a clairement fait comprendre aux diplomates qu’il avait constaté qu’ils opposaient leurs propres dogmes à ses choix de politique étrangère.
Les rumeurs conspirationnistes les plus folles sont lancées aux USA par QAnon
L’ancien chef de la diplomatie française, Hubert Védrine, ne dément pas mais préfère en sourire, à travers une formule : « La grande force de l’État profond, c’est l’inertie, pas le complot ».
Des soutiens à Donald Trump et à QAnon (Photo by DAVID MCNEW / AFP)
Historiquement, « l’État profond » est un concept turc de « pouvoir invisible », incrusté dans la bureaucratie au temps du kémalisme. Un « État dans l’État » que Recep Tayyip Erdogan a dénoncé à plusieurs reprises.
L’usage du terme de « deep state » est ancien aux États-Unis mais il a fait un bond sous l’ère Trump.
Le président américain battu ce week-end était soutenu par les complotistes qui ont toujours imaginé que son action était entravée par ledit « deep state ». Les théories les plus folles ont fusé ces derniers mois, pulvérisées dans tout le pays par le phénomène internet « QAnon » (banni par Facebook le 6 octobre), qui lance des rumeurs conspirationnistes sous forme de message à clefs. Sans que Donald Trump ne s’en soit jamais démarqué formellement.
Selon QAnon, l’« État profond » organiserait, entre autres, un vaste trafic pédophile. Des dizaines de milliers d’américains y croient dur comme fer.
Quand Michel Onfray définit l'Etat profond comme l'"etablishment politico-médiatique"
Cet automne, la notoriété du terme d’État profond a bondi en France avec Michel Onfray, qui a consacré à cette « question » le second numéro de sa revue, baptisée Front Populaire.
Le philosophe anti-système en donne cette définition sur sa chaîne Youtube : « C’est un État dans l’État. Nous ne sommes pas complotistes, nous n’avons pas l’impression qu’il y a des gens qui tirent les ficelles mais le capital est devenu fou et il est organisé. Il n’y a pas de main invisible mais des gens qui utilisent aussi bien les banques, l’édition que la télévision, la publicité, le cinéma : toutes les productions intellectuelles contribuent à la formation d’une idéologie, qui, elle, fait la loi. C’est-à -dire veut le gouvernement universel et on n’est pas complotiste en disant cela. L’État profond, c’est un état qui économise les peuples et les abrutit. C’est un état populicide ».
Michel Onfray assume son virage « populiste » et ne limite pas la définition de son « État profond » à la bureaucratie.
Les théories du complot analysées par le Pr Gérard Bronner
Il reprend sous cette forme une critique, classique, des élites, de l’« oligarchie capitaliste » qui domine le monde selon une terminologie d’extrême gauche.
Pour Michel Onfray, les médias et les acteurs culturels sont en quelque sorte des « fonctionnaires » de l’État profond appliqués à relayer le discours dominant.
Une vision qui recoupe celle de l’ancien conseiller de Donald Trump et héraut de la droite radicale américaine, Steve Bannon : l’« etablishment politico-mediatique » est l’une des cibles favorites.
Steve Bannon, ex conseiller de Trump et agitateur de l'ultra droite américaine
En son temps, Jean-Marie Le Pen fut aussi un grand pourfendeur de l’« etablishment ».
Un haut fonctionnaire contre-attaque
Il n’est pas complètement étonnant que celui qui s’était présenté à la Présidentielle en 2016 comme un « candidat anti-système » reprenne à son compte la critique du trouble « État profond ». Emmanuel Macron s’en tenant toutefois à l’acceptation « bureaucratique » du terme.
Toute cette récente publicité a déclenché une contre attaque du délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Dans une tribune parue début octobre dans Le Monde, Frédéric Potier qualifie le nouveau combat de Michel Onfray de « naufrage complotiste et poujadiste ».
Au passage, ce membre du corps préfectoral, issu de l’ENA, prend la défense des hauts fonctionnaires et des grands corps de l’État chahutés par la politologue Chloé Morin dans son essai Les Inamovibles de la République. Pour le coup, le débat sur le pouvoir technocratique
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